Eric Gerets : « Les policiers m’arrêtaient juste pour me féliciter »

A la retraite depuis près de quatre ans maintenant, Eric Gerets garde des bons souvenirs de son passage au Maroc. L’ancien sélectionneur des Lions de l’Atlas s’est confié sur ses années à la tête de l’équipe nationale, sur son regret de ne pas avoir rendu encore plus fier le peuple marocain et sur ses souvenirs du fameux 4-0 face à l’Algérie qui resteront gravés à jamais.

Comment allez-vous depuis votre retraite en 2016 ?

Ça va mieux. J’ai eu encore quelques soucis de santé mais pour le reste, ça va. Je ne suis pas à plaindre.

Vous avez totalement coupé avec le football ?

Non, ce n’est pas possible. J’ai suivi et je suis toujours d’ailleurs les équipes dans lesquelles je suis passé et ou j’ai entrainé. Je regarde attentivement les résultats de Marseille, du PSV Eindhoven ou même d’Al Hilal. Après, il y a aussi le PSG que je regarde. Et je suis toujours attentif aux résultats du Maroc lorsqu’il joue. C’est important pour moi.

Quel souvenir gardez-vous de votre passage au Maroc ?

Pour moi, c’était très positif. C’était une bonne expérience même si ma deuxième année n’était pas comme je l’imaginais ni comme les supporters l’espéraient. Dans ma mémoire, ce passage restera toujours quelques choses de positif parce que j’ai vécu des moments formidables au Maroc et avec les supporters.

Pour beaucoup de Marocains, votre nom est associé à cette victoire presque historique face à l’Algérie (4-0)…

Oui. Ce match était fou, c’était la gloire. Après ce match, il y a des supporters qui m’ont suivi sur l’autoroute pendant des heures. On a dû faire arrêter ma voiture parce que les gens étaient trop fou derrière moi, c’était la folie. Les policiers m’arrêtaient juste pour me féliciter. Ce match contre l’Algérie a été une expérience inoubliable pour moi. Une ambiance exceptionnelle.

J’espère avoir rendu heureux les Marocains parce qu’eux, ils m’ont rendu heureux.

Qu’est-ce qu’on ressent à ce moment-là ?

J’avais le sentiment que tout était parfait. On avait tous fait du bon travail aussi bien le staff, les joueurs sur le terrain que les supporters dans le stade et ailleurs. Dans ma tête, je pensais déjà à la suite. Je me disais qu’on avait réellement une chance d’aller loin et de faire quelque chose de grand à cette Coupe d’Afrique 2012. Malheureusement, la Tunisie nous a puni dans ce premier match de poule. Mais moi, je ne retiendrais que le positif.

Vous êtes conscient de l’importance qu’a eu ce match face à l’Algérie pour les supporters marocains ?

Oui, c’est vrai que c’était magique. Mais gagner la Coupe d’Afrique, c’était ça qui devait nous rendre heureux. Je pense que c’était la récompense que tout le monde espérait, que ce soit les supporters ou moi-même. Ce match face à l’Algérie bien sûr qu’il est mémorable. En tout cas, il restera dans ma mémoire aussi longtemps que je vivrais. J’espère avoir rendu heureux les Marocains parce qu’eux, ils m’ont rendu heureux.

Pourtant, c’était mal parti dans cette confrontation après la défaite au match aller (1-0)….

Oui, mais il y a eu beaucoup de choses qui ce sont passés lors de notre match en Algérie. Nous, quand on a joué ce match retour, on voulait notre revanche sportive sur tout ce qui s’est passé là-bas à Annaba. On était motivé.

Avec du recul, qu’est ce qui n’a pas fonctionné lors de votre passage au Maroc ?

Je pense qu’on a souvent manqué de réussite comme contre la Tunisie par exemple. Pour moi, si on se lance bien face à la Tunisie, avec une victoire, on finit très loin dans cette Coupe d’Afrique. Malheureusement, ce sont des choses qui arrivent. C’est le football.

Eric Gerets, ici à droite, en pleine causerie.

Vous avez toujours été très critiqué dès votre arrivée à la tête de la sélection marocaine…

Oui, c’est vrai. Les critiques malheureusement font partie du football, elles vont avec mon métier mais il ne faut pas y faire attention. Je crois qu’avec tous les commentaires positifs que j’ai eu pendant ma carrière d’entraineur, il en fallait forcément des négatifs. Il faut vivre avec et le respecter. Ça doit être pareil pour les joueurs, il faut s’y faire.

Votre passage est aussi marqué par quelques clashs notamment avec Adel Taarabt (ndlr : Taarabt avait quitté le rassemblement après qu’Eric Gerets ait décidé de ne pas le titulariser contre l’Algérie)

Avec Adel Taarabt, tout se passait très bien jusqu’au jour ou je l’ai vue jouer aux cartes à 3 heures du matin pendant un rassemblement. Je l’ai repris et juste après je l’ai vue dans des bars alors qu’il y avait le match face à l’Algérie. Je crois que dans le football, il doit nécessairement y avoir de la discipline. C’est la base. S’il n’y a pas de discipline, il faut intervenir.

S’il y avait une chose à retenir de votre passage au Maroc, quelle serait-elle ?

Je pense que ce qui m’a marqué c’est surtout le plaisir que j’ai eu de travailler avec un groupe aussi motivé et talentueux. Un groupe d’homme. Comme je l’ai dit, il n’a pas manqué beaucoup pour réaliser de grandes choses. Je me répète mais je repense souvent à la Tunisie, on aurait pu y arriver mais malheureusement le résultat à la fin a été négatif. Ce match nous a fait du mal par la suite, ça nous a suivi longtemps.

C’est un regret pour vous de ne pas avoir réussi avec le Maroc ?

C’est un très grand regret. En réalité, j’étais très bien dans ce pays. Je vivais bien et j’ai beaucoup d’amis là-bas. Réussir au Maroc, c’est quelque chose qui a toujours manqué dans ma vie. J’y repense parfois mais maintenant, j’ai 66 ans. J’essaye pour le reste de ma vie de me contenter de ce que j’ai eu, de ce que j’ai réussi à faire en tant que sportif.

Hanif BEN BERKANE